Les croyants affirment que le Christ réapparaîtra en Orient. C’est pour cette raison qu’Esther Stanhope quitte le service de son oncle, le Premier ministre britannique, pour se rendre en Orient, ce rêve qui hante perpétuellement l’imaginaire occidental. Elle voyage à travers la Grèce, Constantinople, l’Égypte, la Syrie… avant de s’installer définitivement dans la région d’Iqlim al-Kharroub, au Mont-Liban. L’étrangeté de sa nature s’accordait parfaitement avec la magie de l’Orient et les mystères de ses religions. Esther emporta avec elle la fortune familiale ainsi que ses illusions, trouvant en Orient un terrain fertile pour ses aspirations. Les Libanais l’appelaient “la dame anglaise”, tandis que les Bédouins syriens la surnommaient “la reine Zénobie”, un titre dû à la générosité de ses cadeaux et aux impressionnants cortèges d’esclaves, de gardes et d’interprètes qui l’accompagnaient.
À Istanbul, Esther rencontra Aimée de Rivery, cousine de Joséphine, l’épouse de l’empereur français. Capturée par des pirates algériens et vendue comme esclave, Aimée avait séduit le sultan Mahmoud II, qui l’avait épousée. Plus tard, en Égypte, Esther impressionna Muhammad Ali Pacha, qui lui offrit deux de ses pur-sang. Elle écrivit à une amie : “Le sultan m’a témoigné une grande hospitalité. Il me recevait debout, je lui rendais visite quand je le souhaitais, et il ne m’a jamais refusé une seule requête.”
À son arrivée dans le Sud-Liban, le prince Bachir Chéhab l’invita à Beiteddine, où elle séjourna un mois. Il lui offrit bien plus que ce que les Arabes n’avaient jamais accordé à leur hôte Trump : douze chameaux, vingt-cinq mules, quatre chevaux et six gardes. Esther attendait au Liban le Messie qui, selon elle, devait remplir la terre de justice. En prévision de son arrivée, elle prépara un cheval bai pour qu’il le monte sur le chemin de Jérusalem, ainsi qu’un blanc pour l’accompagner en tant qu’épouse.
En 1832, Lamartine lui rendit visite dans son verger. Il déclara : “J’ai découvert en elle d’étranges croyances qui renforcent la foi d’un peuple encore en proie à l’ignorance. L’Orient est une terre fertile en miracles ; tout y est possible, et n’importe quel homme, naïf ou fanatique, peut y devenir prophète.”
Certaines personnes vivent comme elles l’entendent et meurent heureuses, car elles trouvent dans leurs illusions un sens à leur existence. Ainsi, Stanhope vécut dans ses rêveries, entourée de jeunes amants, avant de mourir dans la pauvreté, sans avoir vu son idole descendre du ciel. Pourtant, elle entra dans l’histoire arabe comme une légende. Elle rendit l’âme dans sa modeste hutte, tandis que les villageoises se précipitaient pour lui voler ses bijoux et ses boucles d’oreilles. Ses ossements, dispersés pendant la guerre, furent recueillis par les villageois, puis rachetés par l’ambassadeur britannique. Conformément aux souhaits d’un de ses proches, ils furent incinérés et leurs cendres répandues en mémoire de ce Sud qu’elle avait tant aimé.


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