Madame de staёl, Femme(s) insoumise(s)

بواسطة | 24 مارس 2021 | مقالات | 0 تعليقات

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Mon penchant pour les femmes, émailléde retenue à peine perceptible et loin de toute ardeur charnelle débordante, est de plus naturel. Je connais peu d’hommes qui s’en éloignent volontairement pour pâtir une vie misérable dépourvue de tant d’amour et de tendresse. J’ai eu l’opportunité de vivre quelques années de mon orphelinat sous la tutelle de ma grand-mère paternelle. J’ai été couvé d’une manière délicate qui m’avait épargné les chagrins, les blessures ou même la mort. Elle m’a laissé des souvenirs indélébiles. Cette compassion précoce pour la gent féminine est devenue, des années plus tard, une tendance réfléchie et raisonnée. Vivre avec cinq femmes à la fois, mon épouse et sa mère, ma fille et deux bonnes, est une expérience qui procure une profonde satisfaction et ce malgré quelques embûches inévitables. En matière de littérature, j’avoue pleinement mon plaisir à fouiller dans les annales des temps passés une figure féminine convenable pour une dissertation sur des idées futuristes. Dans le temple des célébrités, je n’ai que l’embarras du choix : George Sand, Colette, Madame de Sévigné, Marie Bonaparte, Anna de Noailles, Ninon De Lenclos…Par définition, une femme de lettres est celle qui pense et écrit. Ce terme se propage dans toute l’Europe grâce aux salons littéraires dont la création remonte au XVIIème siècle. Le premier salon est établi en 1608 par Catherine de Rambouillet. Il sera fermé à sa mort en 1665. Les marques que laissent ces genres de cénacles sur les Lumières, sont ineffaçables. Ces salons littéraires sont les” cocons” de la Révolution et les pionniers des mouvements féministes ultérieurs. Pour échapper aux critiques acerbes de la société, les femmes écrivaines utilisaient des pseudonymes ou anonymes (George Sand, les sœurs Brontë, George Eliot, Sappho, Jane Austen …). Les voix féminines sont un défi, souvent insurmontable, contre les mœurs de cette époque, car comme disait Voltaire « Dieu n’a créé les femmes que pour apprivoiser les hommes ». A mon avis, ce jugement est à mi-chemin entre l’acceptable et le réfutable. Un autre genre de littérature féminine voit le jour : les écritures épistolaires dont l’exemple flagrant est Madame de Sévigné. La pluspart du temps, les auteures brillent dans les critiques acrimonieuses des personnes ou de la société, qui donnent par la suite ce qu’on appelle aujourd’hui la lutte égalitaire des sexes. La Déclaration des droits de la femme ou la lutte contre l’esclavage des Noirs sont les conséquences payantes des pensées libres.   

Au XVIIIème siècle une femme de lettres est dite, péjorativement, bas-bleu. Le genre littéraire est le bas-bleuisme. A l’origine, le mot est emprunté de l’Anglais ”bluestocking”. Il fait référence aux bas de soie chaussés par un certain hôte du salon littéraire d’Elizabeth Montagu (1720-1800). Il semble que les femmes d’esprit toléraient la présence d’hommes à la condition qu’ils soient intelligents ! Des écrivains célèbres comme Flaubert et Balzac stigmatisaient les écrits féminins, alors qu’Olympe de Gouges, celle qui dit « La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle devrait aussi avoir le droit de monter à la tribune », est guillotinée ! En 1905 Jules Renardécrit : « Les femmes cherches un féminin à auteur : il y a bas-bleu. C’est joli, et ça dit tout. À moins qu’elles n’aiment mieux ”plagiaire” ou ”écrivaine ». L’Académie Française, pour le malheur de monsieur Renard, accepte auteure comme féminin d’auteur !  

Pour rendre mon écrit plus consistent, je vais décrire deux femmes du XXème siècle qui ont laissé des griffes macroscopiques sur le mouvement féministe : Anaïs Nin(photo de l, article) et Frida Kahlo. La première, dont le père est cubain d’origine espagnole et la mère franco-danoise, est née à Paris en 1903 et morte en 1977 aux Etats-Unis. Elle est connue grâce à ses journaux intimes écrits sans arrêt jusqu’à sa disparition. Sa relation avec Henry Miller et sa femme fait un petit scandale dans le monde de la littérature. En effet, Anaïs est bisexuelle et ose, probablement la première femme à le faire, l’écriture pornographique. Ses ouvrages, entre autres la poésie, parlent beaucoup de l’amour charnel et des sentiments chastes. Celle qui dit ”La chair contre la chair produit un parfum, mais le frottement des mots n’engendre que souffrance et division”, n’a jamais honte de multiplier ses amants. Ce courage est l’ultime sommet de la liberté. La deuxième, à l’autre bout du monde, est Mexicaine. Elle est Magdalena Frida Carmen Kahlo Calderón, Frida Kahlo tout court. Elle voit le jour en 1907 et décède en 1954 à l’âge de 47 ans. Elle passe sa vie dans la tourmente. Une poliomyélite attrapée dans son enfance lui laisse une jambe atrophiée. À l’âge de 18 ans, un accident de la route la met dans une situation dramatique : 7 opérations pour des fractures multiples dans le bassin (fausses couches), la cage thoracique et le dos. De l’ingéniosité elle en a, un héritage de son père photographe. Frida excelle dans les tableaux, surtout dans les nombreux portraits et autoportraits. Cloué à son lit, un miroir placé au dessus d’elle lui permet de dessiner en dépit de ses souffrances.” Frida la coja” (Frida boiteuse) est bisexuelle et se marie deux fois avec le même époux. Elle dit ”je buvais pour noyer ma peine mais cette garce a appris à nager”. Elle visite la France mais refuse d’y rester. Elle n’aime pas l’Europe et cherche durant toute son existence à affirmer son attachement à son pays. Elle meurt dans la” Casa azul” (maison bleue) affirmant à jamais son amour pour le Mexique. Elle nie son appartenance au mouvement surréaliste et déclare que ”Le surréalisme est la surprise magique de trouver un lion dans un placard, là où on était sûr de trouver des chemises ”. Enfin, signe de notoriété, elle accueille Léon Trotski qui, probablement, succombe à son charme avant d’être assassiné.  

Germaine de Staël (Anne-Louise Germaine Necker, baronne de Staël-Holstein) naît à Paris en 1766 et y meurt en 1817. Elle est inhumée à Genève dans le parc du château de son père. Sa vie qui s’étend sur 51 ans est un roman tumultueux combinant philosophie, politique, littérature et idées futuristes. Avec Chateaubriand, elle fait bâtir les assises du courant romantique. Grâce à sa mère Suzanne Curchod dont la philosophie de Rousseau ne lui plait pas, germaine acquiert tôt le gout des lettres, les conceptions libérales et la lutte des femmes pour leur émancipation. Sa mère qui tient un salon, lui enseigne la musique, la poésie, la danse et la philosophie. Son père Jacques Necker, de religion protestante, est banquier suisse notable vivant et travaillant à Paris. Il est deux fois nommé pour diriger les Finances sous Louis XVI. Il connait une chute fracassante après un bilan très négatif du budget (la guerre de l’Amérique, face aux Anglais, en est une cause directe). Les tractations politiques de ses adversaires endossent le reste et son protestantisme ne lui a pas facilité les tâches. Les parents de Germaine veulent marier leur fille à un noble mais la chose ne s’arrange pas dans un pays très catholique. Il est rare de trouver une personnalité protestante digne de la main de la future Madame de Staël. Leur vœu se réalise en la personne du baron Suédois Erik Magnus Staël Von Holstein vingt ans son aîné. En réalité ses parents” s’achètent” un mari de l’aristocratie, ambassadeur de son pays en France mais malheureusement désargenté. Ce mariage n’apporte pas le bonheur de la mariée qui cherche durant toute son existence un amour introuvable. Une femme a deux atouts majeurs, de la beauté et de l’intelligence. Germaine n’est pas belle ni laide mais a un esprit avant-gardiste dépassant celui de ses contemporaines. À la quête d’un amour perdu, elle se lie, chastement avec Benjamin Constant , intellectuel et imprimeur, originaire comme elle du même canton Suisse. Il refuse catégoriquement des relations charnelles avec Madame de Staël mais lui réserve un rapport cordial émaillé de respect.  

Les démêlés avec Napoléon n’en finissent d’altérer leurs rapports. Au début de la Révolution, Madame de Staël appuie promptement l’idéologie des révolutionnaires. Elle y voit la délivrance du peuple opprimé et par la classe royale et par le clergé et noblesse. Mais les divisions au sein de l’opposition déraillent pour aboutir à la Terreur. Beaucoup de têtes célèbres tombent. À la vue de la guillotine (terrible échafaud inventé par le médecin Joseph Guillotin), Germaine tremble et prévoit le pire. À la chute du Directoire (une oligarchie dictatoriale), le futur empereur Napoléon Bonaparte arrive au pouvoir et prépare la France et toute l’Europe à un bain de sang. À ce moment, Mme de Staël le convoite dans l’espoir de le mettre de son côté. Il est vrai que Germaine approuve les aspirations des insurgés mais il n’en reste pas moins qu’elle compatit à soutenir certaines personnalités de la noblesse et qu’elle revendique réellement une monarchie constitutionnelle comme celle de l’Angleterre. En effet, elle a défendu la reine Marie-Antoinette mais ses efforts échouent. Elle tente un lien avec le nouveau chef pour qu’elle soit l’une de ses favorites, mais sa démarche n’aboutit pas : Napoléon ne lui prête aucune attention. Elle a fini par démordre que ses intentions se sont évaporées. Alors commence toute une histoire de provocations, de critiques acerbes, d’attaques et de contre-attaques qui peuvent faire la une de nos actuels journaux. La baronne intensifie ses assauts contre un adversaire, qui par sa politique guerrière vend aux démons son âme insatiable de pouvoir absolu. Elle dit : « voici le second pas vers la royauté. Je crains que cet homme ne soit comme les dieux d’Homère, qu’au troisième acte il n’atteigne l’Olympe ». Le despote déclare que : « l’arrivée de cette femme, comme un oiseau de mauvais augure, a toujours été le signal de quelque trouble. Mon intention n’est pas qu’elle reste en France ». Germaine, profondément libérale, pense qu’« une nation n’a pas de caractère que lorsqu’elle est libre ». Napoléon décrète des lois visant la réforme de l’enseignement. L’une d’elles, inimaginable, exige l’ouverture des classes à cinq heures et demie le matin et la fermeture à huit heures le soir. Germaine ironise de la sorte : « nos maîtres ressemblent à des hérauts d’armes, nos salles d’études à des casernes, nos récréations à des manœuvres et nos examens à des revues ». L ’empereur, très irrité, l’expulse de Paris, et un peu plus tard de toute la France. Germaine l’insoumise ne fléchit pas et s’installe dans le château de Coppet, une possession de son père dans la république de Genève. Son exil dure une dizaine d’années durant lesquelles elle parcourt une partie de l’Europe. Le château devient un lieu de rencontres des hautes personnalités politiques et éclairées qui, outre leur caractère intellectuel, trament des complots contre l’empire de Napoléon. Durant son séjour en Suisse, elle se fait beaucoup d’amitiés, écrivains, penseurs, philosophes, hommes politiques… Sa résidence est un lieu de pèlerinage de tout bord.   

Sur le plan littéraire, Madame de Staël et Chateaubriand sont les deux colonnes du temple du mouvement romantique français. Alors que l’homme de Saint-Malo se refugie dans une autobiographie lyrique et intellectuelle (Mémoires d’outre-tombe) avec une nostalgie irrésistible pour les valeurs chrétiennes, Germaine de Staël médite sur la souffrance des femmes face aux contraintes sociales. À cet égard, elle est contre certains billets du Code Français imposé par l’empereur qui, à son avis, ont nui aux ”droits naturels” des femmes. Elle s’acharne dans ses écritures à revendiquer la levée des entraves qui étouffent les aspirations des femmes à la liberté et qui perdurent leurs maux. Germain est-elle philosophe ? A-t-elle des conceptions particulières ? En quoi est- elle différente ? A-t-elle influencé le cours des évènements ? Beaucoup de questions qui n’ont pas de réponses univoques. Si la philosophie est un ensemble harmonieux de conceptualisation abstraite, telle par exemple des interrogations de type qui sommes-nous, d’où venons-nous et où allons-nous, Germaine ne cherche pas à ériger des idées abstraites ou à fournir des réponses à un questionnement rationnel. Dans ce sens, elle confond philosophie et littérature. Elle traite la condition humaine à partir de la notion de mélancolie, involontaire et irréparable imposée par les institutions étatiques et religieuses. Sa quête du bonheur, but final de toute philosophie, est assumée dans un cheminement à sens unique à savoir le sentiment d’impuissance loin de la fatalité mythique dont les anciens grecs en sont les inventeurs. À l’inverse de plusieurs auteurs de son époque, elle ne glane pas d’évènements, de mythes ou de personnalités historiques (domaine de la littérature gréco-romaine), mais dépeint sa société contemporaine avec un égard presque exclusif pour les femmes et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle le fait avec bravoure et acharnement au risque d’être arrêtée ou même exécutée. Elle défie tout un empire ne reculant d’un seul pas. Son romantisme est le reflet de son cœur et de l’influence de Rousseau. Son ouvrage ”De l’Allemagne”, a pour ambition d’ouvrir les portes de la France aux mouvements littéraires et philosophiques des Allemands qui à son avis, de part leur caractère libéral, profond et lyrique, surpasse ceux d’un régime catholique sclérosé. Madame de Staël glorifie l’universel humain dans ses conflits de passions, dans ses désirs, ses réalités et sa vie surtout intérieure. Son éloquence a pour origine le cœur et la raison. Elle écrit : « ce qu’il a de plus important pour la conduite de ce monde, c’est d’apprendre les autres, c’est-à-dire de concevoir tout ce qui les porte à penser et sentir autrement que nous ». Ne porte t- elle déjà un brin de démocratie embryonnaire ? N’est-ce une ébauche de nos tendances actuelles ? Oui elle est futuriste accomplie. Celle qui a connu Schiller et Goethe, fréquenté l’élite intellectuelle européenne, ne cesse de clamer sa liberté face à un monde injuste. Influencée par les écrivains Allemands, Madame de Staël admet les deux faces de la nature et de l’âme humaine dans un monde fissuré et infini que l’on ne peut saisir qu’à travers le sentiment. À la fin de sa vie, elle se retire dans le château de Coppet. Son état de santé se détériore rapidement. Elle meurt d’une attaque cérébrale. On garde d’elle ses quelques mots avant de rendre son dernier souffle : « je préfère le vin d’ici à l’eau de là ». On dirait un jeu de langage charmant plein d’humour et probablement de philosophie. en 2017 et à la célébration bicentenaire, son nom est intégré au cercle de la Pléiade. 

د. شوقي يوسف – لبنان

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